Interview réalisée en 2002 par Jee Jacquet

Si vous pensez que Gary Schutt est juste le bassiste de Jeff Scott Soto, vous faites fausse route ! Guitariste et compositeur très inspiré, bon batteur et producteur, ce musicien touche à tout a également enregistré 3 albums solo dont le décapant "Excruciating Pleasures". Après 10 ans de carrière, il était grand temps de faire la lumière sur ce personnage aux multiples dons !

Rock Time : Sur ton nouvel album tu te lâches vraiment. Dur d'imaginer que tu puisses être aussi agressif avec ton air de gentil garçon !

Gary Schutt : Oh, tu ne peux pas savoir jusqu'à quel point ! Le gros des morceaux fut écrit alors que je traversais une période très sombre et confuse après avoir cassé une relation de 3 ans avec ma petite amie. Pour résumer, elle était la meilleure et la pire copine que j'ai jamais eu et finalement, le mal a pris le dessus sur le bien. Alors, pour ma propre sauvegarde, j'ai rompu, tout en sachant que je l'aimais encore mais qu'à long terme, cela me serait bénéfique. Afin de gérer ces émotions, j'ai trouvé que l'écriture s'avérait la meilleure des thérapies pour moi.

Sur cet album, ton jeu de guitare est surprenant. J'ai le sentiment que tes influences ont changé depuis Playthings (2ème cd solo). Suis-je dans le vrai ?

Je pense que mes influences en tant que compositeur ont un peu évolué. Tu remarqueras qu'il n'y a pas de solos sur toutes les chansons et quand il y en a, ils ne sont pas uniquement joués en shred. Sur Playthings, chaque morceau a un solo en shred guitare. Il faut dire que le matériel avait été écrit il y a quelque temps déjà, à l'époque où tu casais des soli de guitare sur toutes tes compos. Ce n'est plus de mode, alors j'essaie simplement d'écrire du mieux possible. S'il n'y a pas besoin d'un solo ici ou là, alors je n'en met pas. Ces dernières années, mes influences ont été Lit, Foo Fighters et Matchbox 20. Récemment, je me suis découvert une passion pour Freak Kitchen. Mon prochain album sera donc peut-être un peu plus progressif. Peut-être !

Tu connais Chaz, le bassiste, depuis longtemps mais d'où vient Tom McDyne, le guitariste ?

Tom venait voir régulièrement le Gary Schutt Band en concert et nous avions l'habitude de discuter après. Lorsque j'ai pris la décision de fonder Shut et d'engager un guitariste, un ami m'a recommandé Tom et transmis son n° de téléphone. Les talents sont rares ici et je ne me faisais aucune illusion. Je l'ai quand même appelé et fixé une date pour que l'on jamme ensemble. Et là, j'ai halluciné ! Non seulement c'était un super guitariste mais aussi un fan de ma musique et de beaucoup de groupes que j'aimais moi aussi. Des groupes que le rocker moyen ne connaît même pas, style King Diamond, Saigon Kick, Stryper, TNT. Tom a commencé à jouer le riff de "Soldiers Under Command" des Stryper et j'ai immédiatement enchaîné sur la ligne harmonique. Nous étions en parfait accord et j'ai su qu'il était celui que je recherchais.

Apprendre toutes ces chansons de Queen pour les concerts tribute fut-il une mission facile ?

Les concerts tribute à Queen sont plus difficiles que ceux du JSS Band. Les lignes de basse sont plus complexes. Quand je suis sur scène avec Jeff, je peux bouger parce que je n'ai pas besoin de trop me concentrer sur ce que je joue. Pour Queen, avec des morceaux comme Killer Queen", "My Best Friend" et "Spread Your Wings", je suis obligé de faire attention aux notes, alors pas question de gesticuler. C'est difficile à expliquer mais je trouverai plus de facilité à interpréter un titre de Dream Theater ! Jeff m'a réouvert les yeux sur un répertoire brillant. Avant ce concert pour la convention Queen, je ne connaissais que les hits du groupe et n'avais jamais entendu plusieurs des morceaux que nous étions sensé jouer. Les seuls cds de Queen que je possède sont A Night At The Opera et la B.O de Flash Gordon.

En tournée avec le JSS Band tu tiens le rôle du bassiste. Pourquoi pas celui de guitariste ?

Parce qu'Howie Simon m'aurait frappé et volé l'argent de mon déjeuner ! Je pense qu'il est un peu plus apte à jouer le répertoire varié de Jeff que moi. Parce qu'il est plus dans le trip Yngwie / Paul Gilbert alors que moi, c'est plutôt Satriani / Vai. Mais pas de problème, j'ai adoré jouer de la basse sur cette tournée.

Tu as rejoint Takara pour leur 1er album Eternal Faith (1992). Etait-ce ta 1ère expérience professionnelle ?

Je pense que oui dans le sens où c'était la 1ère fois que j'étais payé pour jouer sur un album ! Je ne suis pas resté avec eux car c'était géographiquement impossible et puis il y a eu ce tremblement de terre en 1994 qui m'a poussé à analyser ma vie. Je vivais à L.A avec un minimum d'argent, pas de concerts en vue et j'étais terrorisé par ce tremblement de terre. Alors je me suis dit qu'il était temps de me reprendre en mains et suis parti en Floride, abandonnant Takara.

Vient ensuite Sentimetal, ton 1er cd solo avec Jeff Scott Soto au chant. Tu y fait une reprise surprenante de "La Marche Impériale" (Star Wars). Tu as dû passer un temps fou à retranscrire la partition ?

J'étais et suis toujours un grand fan de Star Wars et plus particulièrement de John Williams (compositeur de B.O). C'est un génie ! "La marche impériale" est un thème familier à beaucoup de gens. Sombre, accrocheur et j'ai retranscris la partition un jour où je m'ennuyais. La démo originale a été composée presqu'uniquement avec des claviers.

Sentimetal est orienté hard rock mais ton jeu de guitare et la structure de certains titres sont plus complexes que le reste de l'album. Etait-ce une façon de montrer que tu pouvais faire autre chose ?

Oui, je pense que pour mon 1er album, je voulais me dévoiler un peu, montrer aux fans de Takara et de Jeff Scott Soto que je suis bien plus qu'un bassiste juste capable de jouer sur des pop songs à 5 accords. J'étais un grand fan de Dream Theater à l'époque, ils ont beaucoup influencé ma façon d'écrire. Mais en même temps, je souhaitais que la force de l'album réside sur les compositions en elles-mêmes. Je voulais des breaks tout aussi bons qu'impressionnants sur des structures bien ficelées. Sentimetal fut ma 1ère expérience professionnelle en tant que co-producteur. Tout ce que j'avais fait jusqu'à présent était sur un 4 pistes et là, pour l'album, je pouvais travailler sur un 8 pistes !

Tu composes, tu joues de tous les instruments, tu produis. Besoin de tout gérer ou l'impossibilité de trouver des musiciens à la hauteur ?

Les 2 ! Au cours des années passées, j'ai eu l'occasion de jouer avec de supers musiciens mais jamais avec un groupe constitué d'individus talentueux, de même niveau si tu préfères. Faire tout par moi-même signifie obtenir le résultat escompté en moins de temps et avec moins d'argent que de faire appel à d'autres !

Voulais-tu tout essayer afin de voir quel instrument te conviendrait le mieux ou était-ce juste le désir de toucher à tout ?

Quelque soit l'instrument de musique qui traîne dans le coin, il faut que je l'essaie ! Mon père, qui était professeur de musique, avait une batterie à la maison - c'est la raison pour laquelle j'en jouais - mais aussi un xylophone et un sax ténor. J'ai testé les 2 mais n'ai jamais continué avec le saxophone, ce que je regrette aujourd'hui. Je suis sûr que s'il y avait eu une harpe à la maison, j'aurai appris à en jouer ! J'étais une véritable éponge musicale !

On peut t'entendre chanter pour la 1ère fois sur ton 2ème album Playthings. Une envie ou le manque de bon chanteur alentours ?

Les 2 ! Comme je suis très regardant sur les chanteurs, j'ai pris l'habitude de chanter sur mes propres démos et je suis donc habitué à entendre ma voix sur les compos. Jeff n'était pas dans le coin pour me filer un coup de main et je n'avais pas les moyens de le faire venir jusqu'ici. J'ai pris mon temps et me suis appliqué à chanter du mieux que je pouvais sur cet album en espérant que les gens m'accepteraient en tant que chanteur. Je suis très fier de cet album et aurais vraiment souhaité qu'un plus gros label me prenne en charge afin d'en assurer une grosse promotion.

Tu as commencé à produire des DVDs en 2000. Comment en es-tu arrivé là ?

J'ai beaucoup appris par moi-même. Vers 1998, Apple a sorti un programme d'édition vidéo peu coûteux et comme depuis tout gamin j'enregistrais sur un 4 pistes la musique que je jouais, j'ai toujours pensé que ce serait super cool de tout mettre parallèlement sur vidéo. Le temps était donc venu de me lancer dans cette nouvelle expérience. Je continue d'apprendre en testant divers petits trucs et je m'améliore au fil du temps. Cela me permet de gagner de l'argent en travaillant pour des gens comme Jeff Scott Soto et Ken Tamplin. Je peux monter un DVD pas trop long en 1 ou 2 jours. Celui de Jeff, Gods 2002, m'a pris un mois et celui du Tribute à Queen fut réalisé en 1 semaine ½ parce que le délai octroyé était très court.

Quelle est la raison de cette version spéciale de "Live Wire" enregistrée pour le tribute à Motley Crue : Kickstart My Heart ? Et comment t'es-tu retrouvé impliqué dans ce projet ?

Ce fut un honneur de participer à ce Tribute. Je voulais enregistrer quelque chose de différent au lieu de reprendre le morceau d'une façon usuelle. J'ai donc décidé de transformer "Live Wire" en un mini-medley. J'ai glissé des petits bouts de diverses compos de Motley au sein du morceau. J'étais en pourparlers avec Pulse Records pour la sortie de Playthings et ils m'ont dit qu'ils bossaient sur un tribute à Motley Crue. J'ai demandé poliment si je pouvais y participer et la réponse fut positive. Ma reprise a été votée 2ème meilleure chanson de l'album !

Tu as joué avec tout un tas de groupes de reprises disco, rock, funk. Signal Zero, The Orphans, Disco Inferno, M-80's. Tu as même fondé ton propre groupe et maintenant tu es avec Hunks Of Funk. Que d'expériences !

J'aime faire de la musique, la jouer devant un public, être payé pour ça ! Jouer dans un groupe de reprises est bien mieux pour moi qu'un travail journalier. Bosser dans le secteur de la vente fut une bonne expérience d'apprentissage mais j'espère ne jamais avoir à recommencer ! Je veux jouer de la musique, que ce soit la mienne ou celle des autres, jusqu'à ma mort !

Y-a t'il un guitariste qui t'ait particulièrement impressionné récemment ? Quels sont ceux qui ont eu une influence majeure sur toi ?

J'ai vu Disturbed en concert cette année, ce groupe m'a troué le cul ! Et Green Day qui a volé la vedette à Blink 182. Je fus immensément impressionné en entendant pour la 1ère fois Mattias Eklundh (Freak Kitchen) sur l'album de Ken Tamplin. Pour les influences : George Lynch, Brad Gillis, Eddie Van Halen, Yngwie Malmsteen, Randy Rhodes et Pat Travers.

Qu'en est-il de l'album et du DVD Loss 4 Words Vol. 1 (guitare instrumentale) que tu es sensé réaliser ?

Il faut d'abord que j'investisse dans un nouveau système d'enregistrement avant de me lancer dans ce projet. Je continue de faire presque tout en analogique mais mon matériel commence à se faire vieux et est inadapté pour certaines choses. Le problème devrait être réglé l'an prochain.

D'autres projets ?

Je suis à la recherche d'un batteur et d'un second guitariste pour le Shut band. Une fois le line-up complété, j'espère tourner et conquérir le monde !